1767 à Charnizay : une épidémie de dysenterie  (relevé des sépultures)


En guise d'introduction


Les registres paroissiaux recèlent mille trésors pour qui sait les déchiffrer : non seulement ils nous permettent de mieux connaître nos ancêtres, la composition de leur famille, ou la manière dont ils étaient considérés dans la paroisse (à la longueur de l'acte les concernant, ou à l'application mise dans sa rédaction), mais ils nous en disent encore beaucoup plus...

Parfois le curé note un évènement inhabituel, ou même extraordinaire : inondation, orage, visite de l'évêque dans la paroisse, bénédiction ou fonte d'une cloche, réparations dans l'église... Le plus souvent il se contente de reporter, ainsi que l'a voulu François Ier (Ordonnance de Villers Cotterêt, 1539, ordonnant que le français soit utilisé dans les actes officiels, et mandant aux curés de tenir registre des baptêmes au départ) les baptêmes, mariages et sépultures sur ses registres.

Charles Bordier, curé de Saint Martin de Charnizay de 1751 à 1792 (où les registres paroissiaux deviennent des registres d'Etat-Civil, tenu par les officiers du même nom), a annoté, en marge des sépultures de l'année 1767, les causes de décès de ses paroissiens. je me propose de vous faire part de mes réflexions "médicales" à la lecture de ces pages.


Quelques mots de démographie


L'actuelle Charnizay est la réunion de deux anciennes paroisses : Saint Martin, qui a compté jusqu'à 1628 habitants au recensement de 1836, et Saint Michel des Landes (Saint Michel), qui a compté de 9 à 12 feux (familles) avant la révolution.

Pour Saint Martin, entre 1767 et 1792 on a compté en moyenne :
* une dizaine de mariages par an,
* de 20 à 45 naissances par an, avec une grosse chute en 1780-1781,
* de 20 à 70 décès par an, en général entre 30 et 40 par an, sauf années de probables disettes ou épidémies (1767, 1780, 1781, 1782).
(voir le graphique qui suit en fin d'article )

On peut noter que les années difficiles correspondent à une augmentation des sépultures, le plus souvent accompagnée d'une baisse des mariages, voire des naissances. Pour beaucoup d'années on est réduit aux conjectures, mais pour 1767 on peut élaborer des hypothèses.
(voir le relevé des sépultures qui suit page suivante)


Étude de l'année 1767


La dissenterie (septembre-novembre)

La première chose qui frappe dans le relevé des sépultures, c'est l'épidémie de "dissenterie" qui a durement frappé, surtout les plus fragiles : enfants, vieillards. en effet, 29 des 61 sépultures de l'année lui sont imputables, cela a concerné une vingtaine d'enfants.

La dysenterie (orthographe actuelle) est une maladie infectieuse ,épidémique et contagieuse, avec inflammation du côlon, se traduisant par des émissions fréquentes de glaires sanguinolentes, avec violentes coliques. La mort survenait par déshydratation ou hémorragie digestive ("flux de sang").

On peut penser que la contamination et la propagation étaient alimentaires, il n'y avait ni conservation par le froid ni purification des eaux de boisson...


La mort des enfants

Dans cette année, 12 enfants de moins d'un an sont morts (un quart des naissances), 11 enfants de 1 à 9 ans, et 8 enfants de 10 à 19 ans : 31 sépultures sur 61, cette année-là, concernent des enfants!

La naissance était, nous l'avons oublié pour les plus jeunes d'entre nous, la première épreuve de la vie : pas de délivrance artificielle, pas de césarienne, pas de réanimation des touts-petits. Ensuite, il fallait passer au travers des épidémies, des fièvres diverses et de la malnutrition : seuls les plus forts survivaient.


Les maladies

Une fois passé le cap de l'enfance, hormis les suites de couches pour les femmes, et les accidents pour les hommes, on meurt peu entre 30 et 60 ans. Ensuite, il semble qu'on pouvait vivre même assez vieux  : le plus vieux de notre liste a atteint 96 ans, après 67 ans de mariage! N'oublions pas qu'il n'y avait ni antiseptiques, ni antibiotiques, ni anesthésie pour les quelques opérations pratiquées.






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